you make me wanna spit on your honor

who's gonna care for your bleeding soul?

14 février 1994, la nuit où je fus conçu. C’est assez amusant pour un fils d’Aphrodite, vous ne trouvez pas ? Mon père, qui était – et est toujours, d’ailleurs – professeur de littérature anglaise dans un lycée de Sheffield, avait rencontré ma mère quelques semaines auparavant, bien évidemment sans rien savoir de sa vraie nature. Il avait ce charme inexpliqué propre aux anglais et à notre incroyable accent. Ils étaient tous deux dangereusement tombés amoureux l’un de l’autre. Comme les clowns au cirque dans les dessins animés qui sautent dans un verre d’eau du haut d’un plongeoir perché à 18 mètres du sol : la chute est excitante mais l’atterrissage cause toujours des dégâts inimaginables.  Ainsi, près de neuf mois plus tard, voilà que des cris de nouveau-né résonnèrent non loin du mont Olympe et un panier arriva devant la porte de mon père, avec une lettre de ma mère. Assez violent comme découverte au réveil. Je pense qu’il n’était pas prêt à cela et que le choc l’a profondément bouleversé, même s’il n’en laissait pas transparaître la moindre impression, bien qu’il ait ce petit côté un peu mélancolique et ténébreux qui plait tant – ça ne m’étonnerait d’ailleurs pas qu’il le tienne de cet événement.

On peut dire que je suis né avec une petite cuillère en argent dans la bouche. Mon père avait touché le gros lot grâce à l’héritage d’une tante qui n’avait pas eu d’enfant et étant son seul fils, je dois dire que je fus des plus gâtés. C’était pour lui la seule façon de gérer mes caprices : y succomber. Pour mon cinquième anniversaire, j’avais reçu un poney blanc sur la tête duquel on avait fait tenir une corne parce que j’avais demandé une licorne (déjà un subtil présage quant à mon destin sentimental et sexuel).

L’année de mes treize ans, j’ai commencé à suivre des cours de français à l’école et c’est là que mes pouvoirs se sont manifestés pour la première : je maîtrisais la langue comme Rimbaud ou Baudelaire l’auraient fait (sans fausse modestie). Après avoir été mis au courant par mon professeur, mon père m’a dit qu’il était temps pour moi de quitter la maison. Sur le moment, je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait et il m’a tout expliqué pendant les 7h30 de vol qui séparaient Londres de New-York – du moins ce que j’étais en mesure de comprendre. J’ai donc appris toute l’histoire d’amour de mes parents, de leur rencontre à leur rupture, l’origine de mes pouvoirs (ceux qui allaient apparaître avec le temps), les raisons de mon indicible beauté et de mon incroyable perfection.

Je me suis donc retrouvé à la colonie des Sang-Mêlés, près de Manhattan, sans vraiment avoir eu le temps de réaliser ce qui m’arrivait, il y’a de cela maintenant sept ans. Ma mère m’a reconnu dès mon arrivée. J’ai suivi une formation et je me suis rapidement retrouvé dans les meilleurs, ce qui a le don d’énerver hautement les fils d’Athéna et tout ceux qui estiment les fils d’Aphrodite inutiles. Mes capacités physiques et intellectuelles étant nettement plus développées que certaines d’entre eux, il n’y a que les jaloux qui ragent, n’est-ce pas ? Je me suis aussi retrouvé à la tête du bungalow d’Aphrodite, parce que personne d’autre n’aurait été à la hauteur pour le faire (et je dois dire que mes pouvoirs ne sont pas totalement innocents dans cette histoire, mais vous savez ce qu’on dit, on ne fait pas d’omelettes sans casser quelques œufs).