«
Et … COUPER. » Les lumières s’éteignirent et Daphne se retrouva soudainement plongée dans l'ombre. Elle se détendit et lâcha un soupir avant de boire une gorgée d'eau. Elle aimait être sous les feux des projecteurs, mais alors qu'est-ce qu'il faisait chaud là dessus. D'un mouvement naturellement gracieux, elle descendit les quelques marches de l'estrade en relevant sa robe, et se dirigea vers le réalisateur son père qui regardait la scène qu'ils venaient de filmer, un grand sourire sur les lèvres. Quand elle la vit arriver, il couvrit la distance qui les séparait de deux grands pas et la serra dans ses bras. «
Ma fille, tu es vraiment la meilleure. » Daphne accepta ces compliments avec bonheur, elle avait l'impression d'être dans un rêve.
Elle ne pensait pas que son père allait lui permettre de passer l'audition, et avait failli ne pas lui demander. Après tout, elle n'avait que quinze ans. Mais il avait estimé qu'elle était devenue assez grande pour décider elle-même de ce qu'elle voulait faire, et qu'elle pouvait se présenter pour le rôle, bien que le fait qu'ils soient reliés par le sang n'affecterait pas son jugement. Pour être tout à fait honnête, elle ne s'attendait pas à avoir le rôle, mais avait décidé d'y aller quand même, rien qu'en guise d’entraînement. Devenir actrice était son rêve depuis sa plus tendre enfance. Son père, réalisateur connu de films qui l'étaient tout autant, l'avait initié à son art dès sa naissance, et n'avait cessé de lui répéter qu'entre lui et sa mère, elle avait le cinéma dans le sang. Elle savait parfaitement que c'était un plan de carrière difficile, et que devenir actrice n'était pas donné à tout le monde, mais ça ne l'avait jamais découragé, et elle n'avait pas pû le croire quand on lui avait annoncé qu'elle avait eu le rôle. Du premier coup. Son père était sacrement fier d'elle. Apparemment, sa prestation avait bluffé le personnel en charge du casting, et ils étaient tombés amoureux d'elle au moment même où elle avait ouvert la bouche pour réciter son texte.
«
Je te remercie papa, j'avais peur de ne pas être à la hauteur. » Il s'agissait là d'un mensonge. Malgré ses quinze ans, elle n'avait pas ressentie la moindre peur en arrivant sur le plateau, pas la moindre gêne en répétant avec ses partenaires, pas le moindre tract quand la lumière des projecteurs s'est pointée sur elle pour la première fois. Au contraire, elle avait enfin eu l'impression d'avoir trouvé sa vraie place : au centre de tous les regards. «
Tu es parfaite. Et bientôt, le monde entier t'aimera autant que moi. » Un sourire s'étira sur son visage angélique. Le monde entier à la contempler, à l'envier. La gloire … oui, c'était une idée intéressante.
« Il faut croire que le talent se transmet de père en fille dans la famille Cohen. En effet, la jeune Daphne, malgré son jeune âge, époustoufle dans son interprétation de la cadette du personnage principal dans le chef d’œuvre de son père. Elle maîtrise si bien le personnage et lui donne tellement de beauté qu'il est totalement impossible de ne pas tomber sous son charme. La jeune actrice, figurant d'ores et déjà dans la distribution de deux nouveaux films très attendus, pourrait bien devenir le nouveau petit ange d'Amérique. Je lui prédis un grand avenir, et il faudra à mon avis, bien peu de temps avant qu'Hollywood ne se l'arrache. »
Effectivement, ce film ne fut que le premier d'une longue série. L’œuvre de son père fut acclamée par le public et fut qualifié de chef-d’œuvre par de nombreux magasines spécialisés. La prestation de Daphne fut aussi remarquée et les critiques se pressèrent de saluer son talent.
Mais la jeune femme ne voulait pas s'arrêter là, au contraire. Elle s'était faite un petit nom, elle avait maintenant l'intention de le faire grandir, jusqu'à atteindre cette gloire qu'elle désirait tant. Alors elle fit en sorte de se montrer le plus possible à la télévision. Elle délaissa complètement ses études, fut invitée dans plusieurs talk-show, passa de nouvelles auditions pour de nouveaux rôles. Chacune de ces auditions aboutissaient à quelque chose, et jamais elle ne fut recalée. «
Tu mets tellement de toi dans tes gestes, dans tes paroles, dans le personnage, et tu le veux tellement que c'est impossible de ne pas tomber sous ton charme. » lui disait-on souvent, et elle en était ravie.
Elle ne vivait plus que pour la célébrité. Et n'avait pas l'intention de faire quoi que ce soit d'autre, ou d'écouter les rabats-joie qui la tiraient vers le bas. Comme son père, qui était bien content quand elle jouait dans son film, mais qui voulait qu'elle fasse une pause pour se concentrer sur ses études maintenant qu'elle était plus indépendante. Ou encore ses ''amis'' qui étaient bien heureux d'avoir une étoile montante comme amie mais qui aujourd'hui disaient volontiers qu'elle avait changée, que la célébrité lui montait à la tête, etc. En réalité, ce manque de soutient la touchaient, mais elle tentait de garder la plus froide possible. Des amis, elles pourraient s'en faire de nouveaux dans le milieu, des gens qui comprendraient à quel point tout ceci était important pour elle.
Quand on cherche la lumière dorée, c'est un sacrifice raisonnable.
high achiever, don't you see, baby nothing comes for free
they say i'm a control freak, driven by a greed to succeed
nobody can stop me Daphne tenait dans ses mains le scénario d'un nouveau film pour lequel elle venait de signer. Pour la première de sa carrière d'actrice, elle n'en avait pas parlé à son père, jugeant qu'elle était assez grande pour choisir toute seule dans quel film elle voulait jouer, et surtout par crainte qu'il refuse et qu'il lui ressorte son bla bla habituel sur le fait que les études étaient importantes et qu'elle devait d'abord se concentrer sur ça, qu'elle pourrait reprendre son métier dans quelques années, quand elle serait plus mûre.
Ces derniers temps, elle avait l'impression qu'il n'avait qu'il n'avait que ces mots à la bouche, si bien qu'elle avait arrêté de l'écouter. A seize ans, elle était assez grande pour faire ce qu'elle avait envie de faire, et elle était triste qu'il ne l'accepte pas. Elle savait qu'elle ne pourrait pas le lui cacher bien longtemps, mais elle voulait gagner du temps. Le temps de s'investir suffisamment dans le projet pour que même lui ne puisse l'obliger à l'arrêter.
Hélas, il débarqua en trombe dans la chambre de sa fille, sans frapper. Allongée sur son lit, en train d'apprendre le texte, elle n'eut pas le temps de cacher l'immense bloc de papier qu'évidemment, son père remarqua tout de suite. «
Qu'est-ce que c'est que ça ? » demanda-t-il d'un ton hargneux en ouvrant la porte en grand, supprimant le seul obstacle qui l'empêchait de totalement rentrer. Daphne lui jeta un regard noir, et se redressa sur son matelas. «
C'est un script. » lança-t-elle, sur un ton insolent, une lueur de défi dans les yeux. L'homme, qui faisait deux fois sa taille, lui arracha le dit script des mains et le secoua comme s'il s'agissait d'un torchon. «
Tu signes des contrats sans m'en parler maintenant ? Ca ne va pas du tout Daphne, n'oublie pas que tu n'as que seize ans, et que je suis toujours ton père. » A ça, elle ne répondit rien. La seule excuse qu'elle avait n'était pas suffisante, elle préféra donc ne pas gâcher sa salive. «
Je croyais t'avoir dit de faire une pause, de te concentrer sur tes études. » «
Oui, tu l'as dis. Je ne t'ai juste pas écouté. » «
Bon sang Daphne, tu n'as que seize ans, et tu ne vas quasiment plus à l'école. Tu as vu la note de ton dernier contrôle ? C'est inacceptable. » Elle roula des yeux. «
Je sais que ta carrière d'actrice te semble plus importante pour toi en ce moment, mais ce n'est pas une vie pour une fille de seize ans. La célébrité est dure à gérer, et tu n'es pas à l'abri de te retrouver boudée des castings du jour au lendemain. Et puisque que c'est susceptible d'arriver, je ne veux pas que tu te retrouves sans rien. » Elle soupira. Cet argument, elle l'avait déjà entendue trop de fois, mais n'arrivait pas à l'accepter. Elle était bien plus qu'une simple actrice de passage. Bien plus qu'une petite actrice de pacotille. C'était le petite ange de l’Amérique, l'étoile montante. «
Donc tu vas tout de suite appeler le directeur du casting pour lui dire que tu te désistes. Illico Presto ! » «
Il en est hors-de-question ! » «
Je ne crois pas t'avoir demandé ton avis. Appelle-le tout de suite. Quant à moi, je m'en vais brûler ça dans la cheminée. » Et tandis qu'il s'éloignait pour sortir de la chambre, Daphne sauta de son lit et se crispa complètement. Rapidement et brusquement, elle sentait la colère envahir chaque recoin de son être. De son corps, et de son esprit, et se prolongea jusque dans ses mots lorsqu'elle ouvrit les lèvres : «
Ne bouge plus. » cria-t-elle, d'un ton qui ne laissait pas place à la discussion. Et à sa grande surprise, il s'arrêta. Son père s'arrêta et se tourna vers elle. «
Tu ne vas rien jeter dans le feu aujourd'hui. Pose ce script. » Elle insufflait dans sa voix une autorité qu'elle ne se connaissait pas, mais ça marcha, car l'homme posa le script sur le lit, comme elle le lui avait demandé.
Elle ne savait pas ce qui était en train de se passer exactement, tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle contrôlait complètement son père. «
Maintenant pars, et ne me dis plus jamais ce que je dois faire. » Acquiesçant, il quitta la chambre, en fermant la porte derrière lui.
+ + +
«
Et l'award de la meilleure actrice dans un second rôle va a … Daphne Cohen. » La foule applaudit et Daphne sent bouiller en elle une cascade d'émotions. Les larmes lui montèrent aux yeux tandis qu'elle se levait pour aller recevoir son prix. Enveloppée dans une robe roses à paillette, elle était plus resplendissante que jamais, comme le lui prouvaient tous les regards qui se tournaient vers elle à son passage. Le bruit des applaudissements et des cris lui donnaient des frissons incontrôlables, amplifiés par la joie qu'elle ne pouvait pas contenir. Son premier prix, pour ce film qu'elle avait faillie ne pas faire. Après l'altercation avec son père à propos du script, elle avait beaucoup repensé à ce qu'il s'était passé, à comment elle avait réussie à contrôler son père de cette façon, à le convaincre de faire exactement ce qu'elle voulait. Elle s'était sentie coupable, quand elle arrêtait de réfléchir au phénomène, mais n'était pas revenue sur sa décision de faire ce film. Et elle avait bien fait, car sans ça, elle ne se tiendrait pas sur cette scène. Bon, ce n'était pas un oscar, mais c'était quand même important. Assez important pour s'en réjouir.
«
Tous chez moi pour fêter ça. » Son co-star du film, avec qui elle avait partagée l'affiche, avait invité toute l'équipe du film dans son appartement pour fêter sa victoire, ainsi que les autres awards que le film en lui-même avait reçu. Euphorique, Daphne avait accepté l'invitation. Ils étaient parti en limousine, et elle n'avait pas lâché sa statuette une seconde. Un magnifique sourire ornait son visage angélique.
Quand ils arrivèrent, la jeune actrice se dirigea d'abord vers la salle de bain. Elle n'avait pas pu retenir son larme, et elle craignait que son maquillage n'ait coulé. De plus, elle avait bien besoin de se rafraîchir un peu. En effet, elle avait l'impression de bouillir dans une marmite.
Se retrouver à part du bruit et des célébrations quelques minutes lui fit le plus grand bien. A son rythme, elle put enfin se remettre de ses émotions. En face d'elle prônait un grand miroir, accroché au mur, au dessus d'un lavabo de verre. Elle se contenta de loin quelques instants, et ne put s'empêcher de se trouver belle. Cette robe lui allait à ravir, et son maquillage était parfait. Et même après plusieurs heures dans une salle et de la fatigue, son visage restait intact de beauté, comme si elle venait tout juste de sortir de la salle de bain, comme si elle venait tout juste de s'apprêter.
Elle s'approcha du lavabo pour y puiser un peu d'eau, mais quand elle arriva au dessus, elle vit que, dans son creux, se tenait un petit paquet rose au motif d'oiseau. Un petit ruban ornait le tout, sur lequel son nom était marqué.
Prise de curiosité, elle s'en saisit. Peut-être étais-ce un cadeau que son ami voulait lui offrir mais qu'il avait oublié … dans le lavabo.
Ne pouvant plus tenir, elle tira lentement le bandeau et ouvrit la boite.
A l'intérieur se trouva le plus bel accessoire qu'elle ait jamais vue de sa vie. Une broche argentée, incrustée de pierres précieuses roses, en forme de colombe reposait au fond de la boite, et brillait dans la semi-obscurité. Elle lui coupa le souffle. Aucun bijoutier ne serait capable de faire quelque chose d'aussi beau, et de toutes les boutiques de luxe qu'elle ait jamais visitée, elle n'avait jamais telle chose. C'était tout simplement … tout simplement divin.
Elle n'eut aucun scrupule à la mettre à ses cheveux, et dès lors qu'elle eut rejoint ses mèches brunes, quelque chose se passa. La broche laissa échapper deux petites étincelles roses et rouges qui se rejoignirent pour former une colombe qui explosa dans l'air. Dès l'or, Daphne redoubla de beauté. Son visage s'illumina, son maquillage et sa coiffure changèrent d'eux même pour la rendre plus radieuse encore et sa robe, sans changer de forme, brilla de mille feux. Elle se regarda dans le miroir, elle était plus belle que jamais, et elle rayonnait d'une aura rouge.
Alors, un petit papier apparut dans la boite. Un papier légèrement rougi qui dégageait un petit parfum de rose. Dessus était écrit son nom d'une écriture dorée.
Elle le déplia lentement, mais impatiente d'y lire ce que son ami y avait marqué.
« Ma chère Daphne.
Tu ne me connais pas, mais je t’observe depuis de longues années. Un jour, je savais que tu me ferais honneur et que deviendrais ce que tu as toujours voulu devenir. Je t'ai regardé grandir, prendre de l'assurance, obtenir des rôles, et je veux que tu saches que je suis vraiment fière de toi.
Mais il y a plus important. Si je te fais parvenir ce mot aujourd'hui, c'est pour t'avertir, qu'a partir du moment où ce papier se détruira, tu seras en grand danger. Car je viens de t'accorder ma bénédiction. Ton père à déjà du te parler de moi, mais il ne me connaît bien peu, il ne sait pas qui je suis réellement. Et je sais que tu douteras de ce que je vais dire ensuite, mais fais moi confiance s'il te plaît.
Je suis ta mère. Venus. Déesse de l'amour, de la beauté, du désir et mère des colombes. Ça va te sembler difficile à croire, mais c'est la réalité. Les dieux existent, et parfois, nous nous accouplons avec des mortels, et engendrons des enfants, des demi-dieux. Tu n'es pas une enfant ordinaire Daphne, je suis sûre que tu t'en es rendue compte : tu inspires le désir à quiconque te voit, et tu es capable d'enjôler. Ce sont les dons que je t'ai transmis.
Mais maintenant que tu as conscience de qui tu es, tu vas devoir prendre garde, car les monstres te sentiront. Cette broche n'est pas juste une broche, il s'agit d'une arme. En cas de besoin, caresse la colombe et elle se transformera en poignard. La lame y est imprégnée de poison, ça t'aidera à te défendre en cas de besoin.
Mais ce qu'il faut que tu fasses désormais, c'est te rendre chez Lupa et t'entraîner afin de rejoindre le camp Jupiter. C'est le seul endroit où tu seras en sécurité désormais.
Fais attention à toi, ma fille.
Venus. »
got you wrapped around my finger, you can count on me to misbehave,
i'm living life like i'm in a play, in the lime light i want to stay
i know i've a big ego, i really don't know why it's such big deal though. La pièce était plongée dans l'obscurité, et Daphne, la vue brouillée par tout ce qu'elle avait avalé ce soir, peinait à trouver le bouton pour allumer la lumière. En réalité, elle peinait même à mettre à pieds devant l'autre, voir à tenir debout tout court. Non, en fait, elle n'y arrivait même pas, puisqu'une paire de mains robustes lui tenait les hanches, l'empêchant ainsi de s'écrouler sur le carrelage. «
Doucement. » murmura une voix rieuse à son oreille. Elle même rit de plus belle. Elle finit par atteindre la lumière, qu'elle alluma. Cette dernière jaillit de tous les côtés, illuminant la grande pièce ainsi que Daphne et Douglas. Daphne, complètement ivre, traînait pratiquement par terre, seulement retenu par le un des bras de son compagnon, qui lui même avait besoin de s'appuyer sur le mur. Le spectacle n'était pas particulièrement beau à voir.
Leurs vêtements étaient tout froissés, leur coiffure partait dans tous les sens, et leurs yeux étaient rouges, preuve d'une soirée particulièrement bien arrosée. Voir peut-être plus que ça.
Ils réussirent à se traîner jusqu'au canapé, où ils s'affalèrent sans retenue. Stables, ils reprirent leur souffle, puis, après quelques instants, Douglas décolla son dos du canapé pour fourrer sa tête dans le cou de la jolie Daphne, la couvrant de baisers désireux. Un sourire naît sur le visage de la jeune femme alors qu'elle le repousse gentiment. «
Pas maintenant » murmure-t-elle, avant d'approcher son visage de celui de l'homme et de l'embrasser fougueusement.
Depuis plusieurs mois, depuis qu'ils avaient joué ensemble en fait, ils filaient le parfait amour.
Doucement, Daphne se releva et fouilla dans sa poche. La main tremblante mais elle parfaitement calme, elle en ressortit un petit sachet dans lequel reposait une poudre blanche. «
T'en veux ? » Le visage de Douglas s'assombrit, avait perdu toute joie. «
Non, j'ai arrêté cette merde. » dit-il doucement. La fille de Venus eut un petit rire moqueur. «
Ok. » «
Je n'aurais pas dû t'initier à ça. » Sa voix tremblait, mais elle n'écouta déjà plus. De sa poche elle sortit un billet vert qu'elle roula en bâtonnet. «
Arrête Daphne, s'il te plait. » Il tenta de saisir le sachet, mais elle fut plus rapide. Elle planta ses yeux dans les siens et ordonna d'une voix autoritaire : «
Recule ta main. » Il obéit sans rien dire.
C'est alors que quelque chose tapa contre la fenêtre. Daphne tourna vivement a tête. Une harpie frappait de son poing crochu, la regardait avec une expression d'avidité sur le visage. La vue de cette horreur sembla drainer toutes traces d'alcool en dehors de son corps, et c'est le regard hargneux qu'elle se releva, ignorant les plaintes de son petit-ami, qui avait lui aussi, remarqué la bête (mais qui ne devait pas voir la même chose qu'elle). Son bras avait arrêté de trembler quand elle passa sa main dans ses cheveux pour en saisir sa broche. Dans sa main, la colombe semblait briller. Doucement, elle la caressa, et une lame d'argent sortit. A cet instant, la fenêtre se cassa, et la créature fila vers elle. D'un mouvement sur le côté, elle esquiva son premier assaut, et fut prête à l'accueillir lorsqu'elle chargea de nouveau. Alors qu'elle s'apprêtait à la toucher, elle vrilla de nouveau sur le côté, mais cette fois, planta le poignard dans l'aile de la créature quand celle-ci passa à côté d'elle.
Se tortillant et en lâchant de râles de douleur, la harpie s’évanouit progressivement dans l'air en une poussière dorée, consumée par le poison de sa lame.
«
Qu'est-ce que c'était que ça ? » Douglas tremblait de tous ces membres. Il n'avait sans doutes pas vu ce que c'était vraiment, mais il en avait vu assez pour comprendre que quelque chose n'était pas normal chez sa petite-amie. Remettant sa broche redevenue broche dans ses cheveux, Daphne s'approcha lentement de lui, un sourire désolé sur le visage, quelques larmes dans les yeux. «
Je suis désolé Douglas. » murmura-t-elle en l'embrassant tendrement. Avant de se redresser et de planter son regard dans le siens. «
Va dans la cuisine, sors les bouteilles, et bois jusqu'à ce que tu ne puisse te rappeler de rien. » Il obéit sans broncher, accompagné des sanglots silencieux de Daphne.
Elle n'avait jamais voulue être une demi-déesse. Elle n'avait jamais voulue être la fille de Venus.
Et puis celle-là, pour qui se prenait-elle à venir lui parler après toutes ces années, lui offrir un poignard et lui dire de tout quitter pour se rendre dans un camp à la con ? Pour qui se prenait-elle ?
Depuis qu'elle avait lu sa lettre, sa vie était devenue un enfer. Elle voyait des choses … des choses horribles. Des monstres l'attaquaient. Elle était obligée de tuer.
Elle était obligée de manipuler ceux qu'elle aimait pour les garder loin de cette affreuse vérité. Car elle avait refusé de partir. Oh non. Ce n'était pas quelques monstres qui allaient lui faire peur, et l'empêcher de faire ce qu'elle aimait faire. Mais c'était difficile de tout concilier. Dur de vivre avec cette menace constante qu'un monstre pourrait surgir de nul part et t'attaquer. Pour tenir, elle avait commencée l'alcool, puis la drogue. Un mal nécessaire, car sans ça, elle serait probablement devenue folle à lier. Elle n'était pas stupide, elle savait qu'elle était en train de sombrer, elle savait parfaitement ce qu'elle risquait à repousser ses limites.
Mais pour oublier, ne serais-ce qu'une seconde qu'elle est le fruit d'une union mortelle et divine, elle serait prête à tout. Absolument tout
+ + +
Un autre soir, une autre soirée. Elle dansait au milieu des autres, collé contre Douglas, un gobelet rouge à la main. Les yeux entre-ouverts, elle resplendissait sous la boule à facette, mais son regard était ailleurs. Il regardait l'obscurité, il était vide.
Douglas la serrait contre lui, lui embrassait tendrement le cou, la joue de temps en temps. Il était son seul lien avec la réalité. Elle lui serrait le bras, comme si sa vie en dépendait. Le savoir près d'elle la rassurait. Il lui permettait de s'égarer, car, même si elle ne l'était absolument pas, elle se sentait en sécurité dans ses bras. Ses bras si chaleureux.
Ses bras si doux qu'elle ne voulait jamais quitter, mais qu'elle quitta finalement. S'extirpant de son étreinte, elle se tourna vers lui et l'embrassa sur les lèvres en lui caressant la joue. Elle avait le cœur gros, son regard exprimait désormais toute la tristesse de son être. Quelques larmes brillaient au fond, et elle était sûre qu'il les avait remarqué, mais elle partit avant qu'il puisse dire quelque chose. « Je reviens » murmura-t-elle avant de se perdre dans la foule.
Elle atteint la salle de bain en pleurs, et ferma la porte derrière elle. En face d'elle se dressait un grand miroir dans lequel elle s'observa. Elle voyait les larmes, mais son visage restait resplendissant. Son maquillage ne coulait pas, ou se reformait comme par magie à chaque traces que les pleurs faisaient, et elle ne faisait pas de grimaces. Les gens sont comme ça : ils font des grimaces quand ils pleurs. Les gens normaux bien sûr, mais certainement pas elle. Elle, elle restait belle quoi qu'il arrive. Un autre jour elle en aurait été ravie, mais ce soir, ça lui rappelait trop son ascendance à son goût et elle sentit la rage s'emparer de son cœur. D'un geste brutal, elle prit sa broche, caressa la colombe pour faire apparaître la pointe et la planta dans le verre en lâchant un cri strident de frustration. Le miroir se brisa en une centaine de morceau de verre.
Sept ans de malheur, qui commençaient maintenant.
Ses larmes redoublèrent d'intensité quand elle se laissa tomber sur le sol. La main tremblante, elle fouilla dans sa poche, en sortit un sachet de poudre blanche. Elle avait le tournis, la vision brouillée par l'alcool et les larmes. Son cœur battait si fort dans sa poitrine qu'elle ne pouvait même plus entendre le son de ses pleurs. Elle vida l'intégralité du sachet sur le lavabo, aligna trois rails et fit une paille d'un billet de cinquante dollars. Sans plus de cérémonie, elle sniffa.
Sa vision se brouilla un peu plus, mais elle sentit son corps se détendre. Son cerveau sembla s'endormir, et elle fut bientôt incapable de penser. Un soulagement.
Elle s'apprêtait à prendre le second rail quand un bruit attira son attention.
La porte s'ouvrit en trombe et une forme massive, déformée se rua sur elle.
Son cœur se remit à battre, s'emballa, et l'adrénaline se frotta à la drogue. Elle sentit quelque chose l'enlacer, la serrer, elle se sentit étouffer. Un monstre.
Un monstre avait attendu.
Un monstre avait attendu qu'elle soit faible pour l'attaquer.
Elle se débattit, cria, mais ne s'entendit pas. Le monstre la serrait si fort. Il disait quelque chose, mais elle ne comprit pas quoi, elle s'en fichait.
A quelques centimètres d'elle, son poignard scintillait.
Elle n'eut aucun mal à s'en saisir, et poignarda le monstre avec à plusieurs reprises, sans que ça ne fonctionne. Elle ne chercha pas à comprendre. Tout autour elle, les vestiges du miroir rayonnaient. Elle attrapa un bout de verre particulièrement gros et pointu, et frappa à l'aveugle.
Elle répéta son œuvre. Plusieurs fois.
Un cri lui parvint aux oreilles. Un cri qui lui brisa le cœur. Et elle sentit un liquide chaud couler sur sa main. Seulement alors elle comprit.
Son poignard de bronze céleste n'avait eu aucun effet sur lui car il ne s'agissait pas d'un monstre.
La peur lui glaça le sang, la figea sur place tandis qu'elle sentait l'étreinte se détendre. Les bruits alentours s'évanouirent dans un sourd silence, et l'image redevint nette et colorée. La drogue, l'alcool n'avaient plus d'effets, chassés par ce sentiment d'effroi.
Daphne entendit un faible râle, et un bruit de chute. Elle avait l'esprit tout à fait clair désormais.
Mais elle était toujours figée, et tremblait comme jamais alors que ses yeux se remplissaient de larmes.
Lentement, elle se retourna, et affronta la vue du corps inerte de Douglas avec la même douleur que si on lui avait transpercé le cœur d'une épée.
A cet instant, ce fut comme si son cœur arrêtait de battre. Elle eut l'impression qu'elle ne serait plus jamais capable de sourire, de rire, d'éprouver la moindre joie. A cet instant, elle eut envie de mourir à son tour. Une tornade de douleur s'abattit sur elle, et des voix se manifestèrent dans sa tête. « C'est de TA faute. » hurlait sa propre voix. « Tu aurais dû aller au camp, tu aurais dû écouter ta mère. » Elle avait raison. C'était de sa faute, entièrement de sa faute. Elle l'avait tuée. Sa propre main avait fait couler son sang et entraîné sa mort. Oh Douglas. Son Douglas bien aimé.
«
Oh mon dieu. » Elle entendit un verre se casser et une voix crier. Elle releva la tête. Deux filles se tenaient sur le pas de la porte, et la regardait. Que pensaient-elle ? Qu'elle l'avait tué ? Probablement. Ses mains étaient rouges de sang et elle avait l'air si belle, ne voyaient probablement pas ses larmes, puisque son maquillage ne laissait aucunes traces. Elles devaient se dire que c'était un monstre … et elles avaient raison.
Cependant … : «
Retournez à la fête. Ne dites rien à personne. Et buvez jusqu'à oublier ce que vous venez de voir. » dit-elle, les enjolivant. Elles obéirent. Daphne se releva. La douleur brisait son cœur en petit morceaux, mais elle ne devait pas rester là.
Quand bien même elle voudrait rester dans ses bras à jamais, elle ne pouvait pas rester. Lentement, elle se baissa près de lui, et l'embrassa une dernière fois. «
Je suis désolée … tellement désolée. »
Puis, elle enjamba le corps.
Ce soir là, on la vit quitter la soirée sans Douglas.
Ce même soir, son compte en banque fut complètement vidé.
Puis elle disparut complètement.
+ + +
Consciente qu'elle n'avait pas d'autres solutions, Daphne se rendit en Californie pour rencontrer cette fameuse Lupa. Ayant gagnée pas mal d'argent grâce à ses films, le trajet ne fut pas difficile. Elle fut toutefois contrainte de voyager incognito, désireuse que la presse reste loin de cette affaire, de la même façon qu'elle même a gardée ses yeux loin de tout journaux, ne voulant pas savoir ce qu'on racontait sur elle.
Toutefois, elle entendit sur les routes que sa disparition avait été remarquée, que son père avait été interrogé ainsi que tout ses amis, et autres contacts professionnel. Un alerte disparition a été lancée, et tout le monde se hâtait à faire des témoignages sur elle. Certaines de ses connaissances affirmaient qu'elle avait « touchée le fond » et la suspectaient d'avoir fini dans un quelconque caniveau. Certaines autres personnes affirmaient aussi l'avoir aperçu en compagnie de plusieurs hommes, ou d'autres e ce genre de rumeurs totalement fausses, qui n'eurent aucune suites.
Le corps de Douglas fut trouvé le soir même, et la nouvelle de sa mort a partagée la une avec sa disparition. Lors du contrôle de police, ses empreintes ont été trouvées sur son corps, et elle fut donc considérée comme suspecte potentielle dans ce meurtre. En plus d'avoir disparue, c'était devenue une fugitive recherchée par la police qui, d'après plusieurs hypothèses, avait fuie après avoir tué Doulglas. Le corps de ce dernier fut d'ailleurs enterré à Hollywood, et Daphne se promit de se rendre sur sa tombe aussi tôt qu'elle le pourrait.
Voir son nom traîné dans la boue ne l'affecta pas outre mesure, son cœur encore brisé par la mort de son bien-aimé.
Par on ne sait quel miracle, elle arriva à la maison du Loup sans s'être fait remarquée. (une petite aide divine, sans doutes ?) Là-bas, elle fit la connaissance de la fameuse Lupa, qui, à sa grande surprise, s'avéra être une louve. La Louve Divine grâce à qui elle apprit l'histoire de ses origines mythologiques, et se familiarisa avec les pratiques romaines.
Ce fut particulièrement difficile au début, la jolie, n'ayant pas vraiment la tête à ça, ne faisant pas beaucoup d'efforts pour s'en sortir.
Mais le temps guérit toutes les blessures, laisse juste des cicatrices. Daphne se prit en main. C'était un demi-dieux, elle devait l'accepter. Elle s'entraîna donc.
En sa qualité de fille de Venus, elle ne fut toutefois pas totalement larguée par l’entraînement. Possédant de bons réflexes, elle se spécialisa dans le maniement du poignard et du javelot.
Quand elle l'estima fin prête, Lupa l'envoya au camp Jupiter, où elle rejoignit après sa période d'essai, la troisième cohorte. Souhaitant rejoindre la première ou la deuxième, qu'elle jugeait plus digne, elle tenta d'enjôler leurs centurions respectifs, sans succès.
Même si son nom est connu de quelques personnes au camp Jupiter, son passé n'existe plus. Là-bas, ce n'est que Daphne, fille de Venus, soldat de la troisième cohorte. Elle n'a jamais parlé de son passé à personne, et cherche à expier ses fautes en s'investissant dans le camp, même si elle n'y trouve aucune joie particulière.
Elle regrette terriblement tout ce qui a pu se passer, et à du mal à tourner la page, même après un an. Au Camp, sa réputation n'est pas la meilleure, sans pour autant être complètement mauvaise. Elle s'en sort plutôt bien.
Cette vie n'est pas celle dont elle à rêvée. Malgré ses quelques dons du combat, ce n'est pas une guerrière, mais elle ne se pose pas beaucoup de questions.
Peut-être un jour trouvera-t-elle sa place.