perfect darkness is all i can see

from the fire we made alone, everything we're gonna say, we save it

what you got goin' on behind those eyes closed, holdin' on, I don't want another day to break

La petite fille marchait d'un pas rapide dans une étroite ruelle lorsqu'une voix résonna dans le silence. « Bordel, comment je vais réussir à rembourser tout ça ? J'ai plus un sou. » Elle se retourna brusquement et aperçut un homme, probablement proche de la trentaine, plongé dans ses pensées et marchant d'un pas aussi rapide qu'elle. Elle s'arrêta un moment, se demandant pourquoi il dirait ça à voix haute puis secoua la tête. Elle a sûrement rêvé. « Cette fille a peut-être de l'argent sur elle.. » Son sang ne fit qu'un tour. Quel être doté de bon sens annoncerait ça, sans problème particulier, devant la fille qu'il veut justement voler ? Son père dirait qu'elle a imaginé toutes ces paroles, tandis que sa belle-mère se contenterait de lui jeter un regard dédaigneux tout en proférant des insultes à son égard dans l'oreille de son mari. Mais là, à cet instant, ils n'étaient pas là, et elle savait qu'elle n'avait pas rêvé, elle pouvait même sentir le regard insistant de l'homme vriller son dos alors qu'elle continuait de marcher d'un pas de plus en plus rapide. « Il n'y a personne à côté et elle est si petite... Elle ne pourra pas se défendre. » Ses joues devinrent rouges dû à l'afflux excessif de sang, et ses oreilles tintaient, elle entendait des bourdonnements, elle était angoissée, terrifiée. Elle accéléra l'allure et finit par courir, ses petites jambes s'activant comme si sa vie en dépendait. Les pas lourds derrière elle devenaient aussi plus pressants et elle devina qu'il courait après elle tandis qu'elle s'engouffrait dans des ruelles aléatoires, priant pour qu'une personne fasse miraculeusement son apparition et la sauve. Elle avait pourtant peu de monnaie sur elle, mais elle savait pertinemment que son père allait vérifier ses poches lorsqu'elle allait rentrer, et qu'elle se prendrait une raclée monumentale s'il manquait le moindre penny. Alors elle continua de courir plus vite, tenant sa jupe qui menaçait de glisser à tout moment de ses mains frêles et pâles, et enfin aperçut la fin de la petite rue, voyant au bout quelques personnes qui marchaient eux aussi d'un pas relativement rapide, se rendant probablement à la place centrale de Londres. Et alors qu'elle y était presque, elle sentit une main forte et rêche lui agripper la chemise d'un geste violent, et sa tête partit en arrière, tandis qu'elle tombait douloureusement sur le sol, et que les mains rugueuses de l'homme fouillait dans ses poches prenant le seul butin qu'elle avait, et son seul espoir de passer une soirée tranquille sans les gifles de son paternel et les injures de sa marâtre. La petite fille sentit les larmes monter dans ses yeux alors que l'homme partait en courant, sans un seul regard vers la personne qu'il avait maltraité. Les perles salées coulèrent le long de ses joues, et elle les essuya d'un geste rageur tandis qu'elle s’apitoyait sur son sort, se demandant ce qu'elle avait bien pu faire pour mériter une telle vie. Et sa question muette, qui normalement ne recevait aucune réponse, obtient enfin une explication. Une voix féminine résonna dans son esprit, une voix froide mais d'où on devinait un soupçon d'affection pour la petite fille en pleurs, pathétiquement assise sur le sol dur et sale, au milieu de quelques feuilles orangées qui s'étaient échappées de la place centrale où l'automne commençait à montrer sa présence. « Ma fille, relèves-toi. » Ma fille ? Elle secoua la tête d'un air hébété tout en regardant autour d'elle, essayant de déceler la présence d'une personne dans la pénombre qui venait doucement de s'installer. Son père lui avait toujours dit que sa mère était morte, et il n'avait rien ajouté de plus, la sermonnant lorsqu'elle osait poser une question sur sa génitrice, à tel point qu'elle n'avait plus eu le courage d'interroger son père sur ses origines. « Bats-toi. Tu es ma fille, et je sens que tu es brave. Tu dois te montrer digne d'être l'enfant de Trivia. » Elle se tenait la tête à deux mains, voulant faire taire cette voix, se croyant folle. Et pourtant, elle se releva, péniblement certes, et resta debout sur ses jambes tremblotantes, attendant une nouvelle instruction, car oui, instinctivement elle faisait confiance à cette voix. Le nom Trivia lui disait quelque chose, elle lisait souvent, malgré l'interdiction de son père, trouvant dans les livres le réconfort qu'elle n'avait jamais eu dans la vie réelle. Et elle était tombée sur un livre portant sur les anciennes civilisations, notamment celle romaine, et elle s'était particulièrement absorbée dans la lecture des croyances de ce peuple dont elle voulait tout savoir. Elle se souvenait à présent. Trivia était le nom d'une déesse, celle de la magie, des ombres, de la nouvelle lune, des carrefours. Mais était-ce possible qu'elle ait eu un enfant avec un mortel, car son père n'était définitivement pas un dieu, et qu'elle l'ait engendré, elle, petite fille sans importance et peureuse ? Au fond d'elle même, elle voulait y croire, car cela ferait d'elle quelqu'un de spécial, et puis elle était jeune, à peine 11 ans, et naïve, terriblement naïve. La voix résonna une nouvelle fois dans sa tête, coupant court au fourmillement de ses pensées. « Il est temps pour toi de te rendre à la maison des Loups. Tu sauras quoi faire là-bas. »